Voici un poème, un brin nostalgique, qui fut écrit tout en alexandrins.
Sur cette
terre là, j’y avais mes amis
Elle
était ma terre, les oiseaux s’y croisaient
Sans
jamais s’y perdre. Les saisons défilaient.
J’aimais
ses vents frêles qui couraient la vallée.
La
lune voyageait, ça sentait l’ipomée.
Mes
souvenirs sont là. J’y gardais mes envies,
J’y
avais mes amours, j’y avais mes amis.
Dans
le vieux cinéma , mon âme s’égarait.
Hélas,
sous les cendres, ma demeure mourait,
Laissée
à l’abandon, pareil qu’un vieil autel.
Je
veux me souvenir d’une image éternelle :
C’est
l’image des eaux où se coulait mon corps
Jeune
et beau à seize ans, avec tous ses transports.
Ne
plus penser à rien. Eviter que des mots,
Des
sentiments passés, surgissent dans ces eaux.
Couleurs
jaunies, fanées, de ces vieilles dentelles
Dont
se pare mon cœur sous des songes flanelles.
J’avais
tant souhaité l’oublier cette terre,
Mon
seul havre fleuri, mon départ pour Cythère,
Mon
unique linceul doré, mon île Corse.
Terre
séculaire, toi, gravée en mon torse,
J’y
avais mon seul moi, sculpté et insondable.
Le
seul moi qui soit vrai, le seul qui ne soit vent,
Le
seul qui ne pouvait s’enfuir soudainement.
Je
pensais bien faire, je n’avais pas
compris,
Et
je me rappelle avoir poussé un grand cri :
Ici,
tout était beau, les lumières brillaient
Encore
plus fortes, partout elles brillaient.
Je
regardais la rue où devait commencer
Une
nouvelle vie, rien qu’à se prélasser.
Mais
il fut très très court le temps de mes émois,
Je
ne fus pas longue à perdre tout mon moi.
Nulle
garde ne vint m’avertir des dangers.
Ceux
qui en finesse pensaient à m’alerter,
Durement,
ils butaient sur mes yeux trop candides
Et
je n’avais alors que réflexes stupides.
Et
mes murs furent noirs, et mes heures tristesse,
Et
mes plaies béantes, et ma voix maladresse.
Il
n’y eut sur mes yeux plus le moindre lilas,
Plus
un seul papillon, plus de jolies saisons.
De
tout ce qui fût beau, je perdais la notion.
Je
traversais ces rues sans magie, sans potion.
Il
restait la laideur tout au long de ces rues.
Toutes
les lumières étaient nues, dévêtues.
Je
devais poursuivre, j’en étais horrifiée,
Ne
voyant rien d’autre que tous ces corps souillés.
Tas
de plaies impures, tas qui n’en finissaient
De
pourrir par la chair. Les corps sains s’affaissaient.
Et
l’unique raison que j’avais d’espérer
Etait
que revienne ce beau plaisir d’aimer,
Comme
si c’était là une voie bien tracée
Qui
tout au fond de moi subsisterait, mêlée.
Le
monde entier était à portée de mes mains,
Mais
rien qui accroche. Pauvres larmes, en vain.
De
combien d’errances mes nuits furent malheur ?
Ma
terre figurait pour moi le vrai bonheur.
Cent
milles crevasses comme milliers d’effrois,
Sans
prière ni foi, entachaient mes draps froids.
Je
n’avais que l’ombre sur le miroir brisé,
D’un
moi anéanti au visage cerné.
Des
rives lointaines de ces eaux bleues figées,
Vole
libellule sur la fleur d’ipomée.
Je
n’ai plus la force de caresser mes joues
Aux
pétales de fleurs. Mon regard reste flou.
Qui
saurait mieux que moi te désirer toujours
Ma
demeure-cendre sur ma terre amour.
Et,
comme à mes dix ans te regarder vivante,
Et,
comme sur ma chair te retrouver amante.
Avec
tes escaliers de chêne vermillon,
Et
ton petit jardin aux vastes potirons,
Tu
ravissais mes jours malgré mes craintes noires,
Sans
que jamais fussent mes rêves illusoires.
Devant
le rideau blanc le chat sommeillait.
Quand
devant la flamme écarlate il veillait,
Des
perles de tisons brillaient sur son pelage,
D’un
jaune transparent, fluides comme des anges.
Mais
ce joyeux tableau s’éloignait de mes yeux,
Aucun
souhait ne le rattrapait, aucun vœu.
Inexorablement,
dévalait dans la rue
Le
fléau vicié des puanteurs, détritus.
Le
fossoyeur des rues, à l’allure vénale,
Broyait
sans un regret toute senteur florale.
Comme
une vraie souillon, je chapardais, pressée,
Quelques
brins de beauté échappés, égarés.
Et
dire que j’avais éprouvé de la joie
En
voyant cette rue pour la première fois !
J’en
étais chagrinée au point que mes mains nues
S’agrippaient
aux pensées de bacs fleuries des rues.
Et
mes bras, grands, penauds, battaient le vide autour
Faisant
pour la verte libellule un détour.
Craintifs,
ils se perdaient sans espoir, au dehors.
Le
vide… il n’y avait qu’illusion au dehors.
Mais
j’entendis alors le chant de l’oiseau bleu
Venant
de l’horizon. Il submergea mes yeux
D’un
mirage d’espoir doux et inespéré.
L’oiseau
fit renaître le paradis rêvé.
Revoilà
les saisons, revoilà les moissons,
Un
nouveau rendez-vous avec les mousserons.
Sur
les eaux reviennent mes rires de seize
ans,
Et
vivent mes amis, et vivent mes amants.
Camille COLHER
félicitations ma petite Camille
RépondreSupprimerque d'émotions dans ce texte, merci du partage
c est superbe !que d'émotion ! j'ai lus plusieurs fois ! si je pouvais écrire comme sa ! c est un rêve ! je te remercie pour le partage ! NINI ))))
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